Mais ils ne
virent personne le 25. Toute la journée, ils marchèrent stoïquement sous le ciel bleu. Ils virent de nombreux oiseaux, de nombreuses bêtes, mais pas d’êtres humains.
Étonnant de voir comme la faune se multiplie rapidement, dit Glen. Je savais que ce ne serait pas long, et naturellement l’hiver va faire des victimes, mais le phénomène est quand même étonnant. Après tout, l’épidémie n’a commencé qu’il y a une centaine de jours.
– Oui, mais il n’y a plus de chiens ni de chevaux, répondit Ralph. Ça me paraît injuste. Ces salauds ont inventé un microbe qui tuait presque tout le monde. Mais ça ne leur suffisait pas. Il fallait qu’ils tuent aussi les deux animaux favoris de l’homme. L’homme et ses deux meilleurs amis.
– Et les chats s’en sont tirés, ajouta Larry d’une voix morose.
Le visage de Ralph s’éclaira.
– Il y a quand même Kojak…
– Il y avait.
Ce qui mit un point final à la conversation. Des buttes aux silhouettes menaçantes les regardaient, splendides cachettes pour des dizaines d’hommes armés de fusils à lunettes télescopiques. Larry croyait toujours que c’était pour très bientôt. Chaque fois qu’ils arrivaient en haut d’une côte, ils s’attendaient à voir la route barrée un peu plus bas. Et chaque fois qu’elle ne l’était pas, il pensait que c’était une embuscade.
Quand ils se remirent à parler, ce fut de chevaux. De chiens. Et de bisons. Le bison faisait un retour en force, leur dit Ralph – Nick et Tom Cullen en avaient vu. Le jour allait venir-ils le verraient même peut-être – où les Prairies seraient de nouveau noires de bisons.
Larry savait que c’était vrai, mais il savait aussi que c’était de la foutaise. Car ils n’en avaient peut-être plus que pour dix minutes à vivre.
Puis il commença à faire noir et ce fut le moment de chercher un endroit pour camper. Ils arrivèrent au sommet d’une dernière côte et Larry se dit : Maintenant. Ils sont juste derrière.
Mais il n’y avait personne.
Ils s’installèrent près d’un grand panneau indicateur vert : LAS VEGAS 418. Ils mangèrent mieux que d’habitude ce jour-là : chips, boissons gazeuses, deux saucisses fumées qu’ils se partagèrent équitablement.
Demain, pensa Larry, et il s’endormit. Cette nuit-là, il rêva que Barry Greig, lui et les Tattered Remnants jouaient au Madison Square Garden. Une chance unique – ils jouaient en première partie avant un groupe très connu qui portait le nom d’une ville. Boston, ou peut-être Chicago. Une fois de plus, tous les micros étaient perchés à au moins trois mètres de haut et il commença à errer de l’un à l’autre tandis que le public frappait des mains en cadence et demandait Baby, tu peux l’aimer ton mec ?
Il regarda les spectateurs assis à la première rangée et ce fut comme s’il recevait un seau d’eau glacée en pleine figure. Charles Manson était là, le X de son front devenu maintenant une cicatrice blanche, Charles Manson qui battait des mains et qui criait. Et Richard Speck qui regardait Larry avec des yeux moqueurs, une cigarette sans filtre entre les lèvres. Ils encadraient l’homme noir. John Wayne Gacy était derrière eux. Et Flagg menait la danse.
Demain, pensa à nouveau Larry en titubant d’un micro à l’autre sous la lumière torride et irréelle des projecteurs du Madison Square Garden. On se verra demain.